Les Misérables : Shôjo Cosette

(inédit)
Fiche technique
Nom originalLes Misérables : Shôjo Cosette (レ・ミゼラブル 少女コゼット)
OrigineJapon
Année de production2007
ProductionNippon Animation, Fuji TV
Nombre d'épisodes52
Auteur romanVictor Hugo
RéalisationHiroaki Sakurai
ProductionYukihiro Itô, Kôji Yamamoto
ScénariiTomoko Konparu, Miho Maruo, Miharu Hirami, Masahiro Yokotani, Mamiko Ikeda, Michiru Shimada
Production déléguéKôichi Motohashi
Chara-DesignHajime Watanabe, Takahiro Yoshimatsu
Superv. en chef de l'anim.Tadashi Shida
Direction artistiqueMitsuki Nakamura
Direction de l'écritureTomoko Konparu
Chef coloristeTomoko Komatsubara
Direction photographieSeiichi Morishita
MusiquesHayato Matsuo
Gén. VO interpreté parYuki Saitô (2) (OP & ED)
 
» Staff étendu
Synopsis

Montfermeil, 1818. Fantine confie sa petite fille Cosette à un couple d’aubergistes, les Thénardier. Mais à peine a-t-elle le dos tourné que le piège Thénardier se referme sur la petite Cosette… Ces aubergistes en apparence accueillants se révèlent être d’ignobles escrocs. Désormais reléguée au rang de servante exploitée nuit et jour, la fillette ne trouve du réconfort qu’auprès de Gavroche, le fils mal-aimé de ses patrons. Pendant ce temps, Fantine est parvenue à Montreuil-sur-Mer et travaille dans l’usine de verroterie noire appartenant à M. Madeleine, le maire de la ville. Cet homme a mis en place toute une industrie prospère qui fait désormais la réputation de Montreuil-sur-Mer (et la fortune du maire). Pourtant, bien des mystères courent sur son passé. L’inspecteur de police nouvellement arrivé, un certain Javert, le soupçonne très vite d’être un repris de justice nommé Jean Valjean. Condamné à dix-neuf ans de bagne, il avait été libéré en 1815 avant de récidiver. Javert, qui le connaît du bagne de Toulon où il était garde-chiourme, décide de surveiller de près M. Madeleine.

Montreuil-sur-Mer, 1823. Le statut de fille-mère de Fantine finit par s’apprendre et sa patronne la renvoie. Désormais privée de revenus stables, elle finit peu à peu dans la misère. Un soir, malade et amaigrie, Fantine se fait agresser par deux bourgeois alcoolisés avant d’être arrêtée par Javert. Connu pour son caractère froid, intransigeant et obsessivement respectueux de la Loi, l’inspecteur de police la condamne aussitôt à six mois de prison. Averti de la situation, M. Madeleine fait jouer son statut de maire pour empêcher l’incarcération de Fantine et la faire soigner à ses frais. Il lui promet également de lui ramener Cosette. Javert révèle alors à M. Madeleine s’être trompé sur son compte : le ‘’véritable’’ Jean Valjean vient d’être arrêté pour un vol de pommes du côté d’Arras. Abasourdi, M. Madeleine plonge dans un dilemme moral, partagé entre l’intérêt de rester le maire bienfaiteur de sa ville d’adoption et le risque de condamner à la perpétuité un innocent. Le lecteur l’aura compris, M. Madeleine a pour vrai nom Jean Valjean.
Après plusieurs heures d’hésitation, Jean Valjean parvient à interrompre le procès de Champmathieu en révélant sa véritable identité. Ce coup de théâtre impressionne tant l’assistance et les jurés qu’il peut librement repartir en direction de Montreuil-sur-Mer. Une fois devant Fantine, il lui fait croire que Cosette est déjà arrivée et s’amuse à l’extérieur. Javert fait alors irruption dans la pièce et annonce à Valjean qu’il se trouve en état d’arrestation. L’ancien bagnard tente de le raisonner, mais l’inspecteur est insensible à toute négociation. Ivre de rage d’avoir été trompé par le respectable (et faux) M. Madeleine, Javert se comporte si cruellement face à une Fantine éplorée et choquée qu’elle finit par en mourir. Bien que désireux d’enfoncer le nez camard du policier, le maire déchu se résout à le suivre, non sans avoir dit adieu à Fantine et fait la promesse de veiller sur Cosette.

Pendant ce temps, à Montfermeil, Cosette est toujours l’esclave-servante du couple Thénardier et le souffre-douleur de leurs filles Éponine et Azelma. Un soir, envoyée chercher de l’eau à la source, l’enfant rencontre un voyageur qui lui apporte son aide. Jean Valjean découvre ainsi le quotidien de misère dans lequel est plongée Cosette. Grâce à une lettre signée par Fantine, il parvient à obtenir des Thénardier que la petite fille lui soit restituée. L’homme et l’enfant font ainsi route en direction de Paris. Une fois à Paris, Valjean et sa petite protégée trouvent un toit à la maison Gorbeau. L’écart d’âge important entre le père et sa ‘’fille’’, ainsi que leurs sorties à la tombée du jour intriguent la logeuse qui les dénonce à un inspecteur de passage, un certain Javert… Désormais nommé à Paris, l’homme de loi est toujours décidé à renvoyer l’objet de son obsession maladive derrière les barreaux. L’ancien bagnard et Cosette manquent de peu de tomber dans une embuscade tendue par la police et finissent par trouver refuge à l’intérieur des murs du couvent Picpus. L’institution accueille un ordre de nonnes et une école pour jeunes filles novices. Profitant de la confiance du jardinier Fauchelevent, Valjean devient son frère de couverture pendant que Cosette est instruite auprès des religieuses. Les années passent…

Paris, 1831. Désormais âgée de seize ans, Cosette ne se voit pas prendre le voile et Valjean décide de la ramener à la vie civile. Durant ses promenades au jardin du Luxembourg, la jeune fille croise le regard d’un jeune homme charmant, Marius Pontmercy. Fils d’un ancien officier de Napoléon, il a été élevé par son grand-père maternel, un bourgeois royaliste qui s’est acharné à l’éduquer dans le respect de la monarchie. Marius a grandi en croyant avoir été abandonné par son père, jusqu’au jour où une lettre posthume de ce dernier lui révèle la vérité. Il lui demande également de veiller à la protection d’un homme qui lui avait sauvé la vie sur le champ de Waterloo, un sergent nommé… Thénardier. Bouleversé, Marius se dispute avec son grand-père et trouve refuge à la maison Gorbeau, entouré d’étranges voisins de palier, des acteurs sans grand succès qui se font appeler Jondrette. Une identité bien entendu de façade, ces soi-disant acteurs n’étant autre que la famille Thénardier ! Escrocs un jour, escrocs toujours, les Thénardier utilisent leurs filles adolescentes pour ramener de riches bourgeois à leur domicile et ainsi profiter de leur charité.
Désespéré de ne plus revoir Cosette, dont il est fou amoureux, Marius rejoint par l’intermédiaire d’un camarade d’études un groupe d’étudiants, les Amis de l’A.B.C, composé essentiellement de pro-républicains. Marius se fait assez vite adopter par ces sympathiques jeunes gens et notamment leur leader Enjolras. Désormais partagé entre ses sentiments pour Cosette et cette nouvelle amitié, il découvre que ses voisins fomentent une tentative de chantage contre un bourgeois nommé Fauchelevent. Lors d’une visite de charité, Thénardier a reconnu l’homme qu’il accuse d’être responsable de sa déchéance. Avide de vengeance, l’ex-aubergiste prétend être endetté de plusieurs mois de loyer. Valjean/Fauchelevent promet de ramener la somme le soir-même, donnant largement le temps à ‘’Jondrette’’ de rameuter quelques membres de Patron-Minette et à Marius de prévenir la police. L’inspecteur Javert accepte de prendre sa déposition et de faire le guet autour de la maison Gorbeau. Marius devra juste les avertir en tirant un coup de pistolet pour donner l’alarme.
Le soir venu, Valjean se présente dans la chambre des ‘’Jondrette’’ et se retrouve retenu en otage. ‘’Jondrette’’ avoue sa vraie identité et se vante d’avoir sauvé un général à la bataille de Waterloo, omettant un petit détail : le sergent Thénardier était occupé à dépouiller ce qu’il croyait être un cadavre. Escroc un jour… Étourdi d’apprendre que le bourreau est l’homme qui ‘’sauva’’ son père, Marius ne parvient pas à alerter Javert et ses hommes. Valjean se libère par ses propres moyens, utilisant sa force prodigieuse et un instrument qu’il garde toujours sur lui, une sorte de fil capable de couper différents matériaux. Finalement, Javert donne l’ordre de perquisitionner le domicile et fait arrêter toute la bande, non sans remarquer sur le sol un fil coupe-cordes. L’arme des bagnards.

Paris, 1832. Les funérailles du général bonapartiste Lamarque, l’un des derniers défenseurs de la démocratie, provoquent la colère de la population parisienne et un mouvement de foule, rapidement dispersé par l’armée. Différents groupes d’opposants à la monarchie, dont les amis de l’A.B.C., élaborent alors des barricades à travers la ville. Même le jeune Gavroche est de la partie, au détriment de sa grande sœur Éponine. Alors que Marius rejoint enfin ses amis, Éponine lui sauve la vie en recevant la balle que lui destinait un soldat. Avant de mourir, la jeune fille lui révèle ses sentiments, la nouvelle adresse des Fauchelevent et lui demande de préserver la vie de son frère Gavroche. Marius envoie le garçon porter un message à Cosette pour l’éloigner de la barricade. Mais demander à Gavroche de rester tranquillement à l’abri n’est pas dans le caractère de l’adolescent et il retourne rapidement auprès des révolutionnaires. Alors que la garde militaire vient de faire prisonnier l’un des insurgés, les membres de l’A.B.C. découvrent qu’un mouchard de la police a infiltré leur quartier-général : un certain Javert... Les insurgés informent leur prisonnier qu’ils le gardent en otage pour le moment, mais si la garde venait à abattre le leur, ils n’hésiteraient pas à faire de même. Pendant qu’il ramasse des munitions de soldats tués, Gavroche est abattu de deux balles. Sauvé de justesse par Cosette, le garçon est ramené chez les Fauchelevent et soigné. [Dans le roman, Gavroche ne survit pas]


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Commentaires

Si le roman de Victor Hugo a connu moult adaptations live au cinéma et à la télévision, plus rares sont les transpositions animées. Ce manque peut s’expliquer par le public visé par le roman : si différentes éditions ont tenté de raccourcir et ainsi adapter l’histoire à un public plus jeune, le lectorat de l’œuvre originale reste essentiellement adulte. Ainsi, depuis sa première parution en 1862, les Misérables n’ont eu droit qu’à un nombre restreint de versions animées :
- Un film en stop-motion soviétique focalisé sur Cosette enfant (1977)
- Trois épisodes (dont un remake en deux parties) de la série japonaise Manga sekai mukashi banashi réalisés par Toei Animation (1977-1978)
- Un téléfilm japonais également réalisé par Toei Animation et diffusé dans les années 80 sur Antenne 2 (1979)
- Un téléfilm anglo-saxon produit par Emerald City Productions et D. L. Taffner en 1988, sorti par la suite en VHS.
- Une série télévisée française produite par AB Productions et réalisée au studio nord-coréen SEK. Diffusée sur TF1 à partir de 1992, ses qualités techniques restent encore aujourd’hui source de discussions très animées.

Les Misérables – Shôjo Cosette est, à l’heure où l’autrice de cette fiche écrit ces lignes, la dernière production animée en date. Quatrième tentative japonaise d’adapter le roman et première à avoir sa propre série d’animation, c’est aussi un projet ambitieux pour Nippon Animation. Ce studio d’animation prend son nom définitif en 1975, succédant ainsi à son prédécesseur Zuiyô Eizô (entre 1975 et 1997, le studio s’était spécialisé dans ce que l’on nomme les Sekai meisaku gekijô : un vaste projet d’adaptations de romans occidentaux pour la jeunesse. Des classiques comme Tom Sawyer ou Princesse Sarah sont désormais bien connus des nostalgiques d’Antenne 2 ou La Cinq. En 1997, la chaîne Fuji TV, devant les faibles audiences de leur dernière série en date, Ie naki ko Remi (une adaptation très peu fidèle de "Sans Famille", dont la principale liberté est d’avoir fait de Rémi une fillette !), qui diffusait jusqu’alors les séries de Nippon Animation, ne renouvellera pas sa collaboration avec le studio, mettant un terme à la production d’autres projets similaires.
Désormais tourné vers d’autres projets plus rentables, Nippon Animation décide toutefois en 2007 de retenter l’expérience des Sekai meisaku gekijô. Trois nouvelles adaptations de romans verront ainsi le jour : outre les Misérables, citons les cas de Porphy no nagai tabi en 2008, une adaptation du roman Les Orphelins de Simitra écrit en 1955 par le romancier Paul-Jacques Bonzon. Né en 1908 à Sainte-Marie-du-Mont (Manche) et mort en 1978 à Valence, Bonzon est l’auteur de plus de 88 romans pour la jeunesse, dont une bonne partie ont fait les beaux jours de la Bibliothèque Rose et Verte. Les Orphelins de Simitra n’a cependant pas connu de réédition et aucun diffuseur francophone ne s’est penché sur une éventuelle version française de l’adaptation animée. L’expérience s’arrête finalement en 2009 avec Konnichiwa Anne, d’après le roman Before Green Gables de Budge Wilson, une sorte de spin-off de l’œuvre bien connue Anne, la maison aux pignons verts écrite par Lucy Maud Montgomery, elle-même adaptée en 1979 au sein du même studio.

Si ces deux derniers choix se justifient aisément, celui du roman de Victor Hugo interroge. Comme nous l’avons fait remarquer un peu plus tôt, Les Misérables n’a pas été conçu comme une œuvre destinée à la jeunesse. Écrit durant l’exil de l’écrivain à Guernesey, après la publication d’un texte se moquant ouvertement de Napoléon III (‘’Napoléon le Petit’’), le roman se veut une rétrospective de la France sous la Restauration et l’histoire traite à la fois de questions sociales, politiques et philosophiques. L’auteur y intègre ses idéaux sur la nature humaine et ses préoccupations vis-à-vis de la justice sociale. Entre les chapitres centrés sur l’histoire principale, Hugo en profite pour développer autour de l’histoire d’institutions (le couvent Picpus), de lieux (les égouts de Paris) d’évènements historiques (la bataille de Waterloo), de linguistique (l’argot) ou de thèmes sociologiques (le gamin de Paris). En résumé, si le roman des Misérables reste un classique largement étudié en cours, tout particulièrement au lycée, son texte reste difficilement accessible à un public plus jeune.
De ce fait, adapter l’histoire à destination des enfants devient un exercice périlleux, dont la réussite dépendra des choix effectués par les scénaristes. Pour cette raison, les versions d’AB Productions et de Nippon Animation partagent ainsi pas mal de points communs. La principale différence avec le roman qui ressort dans ces deux adaptations est la focalisation du scénario autour du personnage de Cosette, là où le roman a pour protagoniste Jean Valjean. Les adaptations jouent principalement sur l’identification du jeune public vis-à-vis de la fillette, orpheline malmenée par des adultes cruels et qui finit par trouver en Jean Valjean un père d’adoption. En quelque sorte, une Princesse Sarah avant l’heure. Ce nouvel angle de narration oblige les scénaristes, du moins pour l’adaptation qui nous intéresse ici, à mettre de côté le passé de Jean Valjean avant sa rédemption. L’histoire de Jean Valjean, présente dans le roman dès l’apparition du personnage, est évoquée sporadiquement par flashs dans l’anime, avant que les épisodes 46 et 52 ne s’y attardent enfin. De la même manière, les passages difficilement accessibles aux yeux innocents sont systématiquement adoucis voire carrément réécrits. Trois chapitres en particulier se voient ainsi modifiés pour convenir au nouveau public-cible : la déchéance de Fantine, la mort de Gavroche et enfin le suicide de Javert.
Pour Fantine, son statut de prostituée est passé sous silence. Si l’anime prend son temps pour développer son quotidien d’ouvrière puis son devenir après son renvoi, il la montre uniquement en train de mendier. Dans le même objectif, si elle vend bien ses cheveux pour acheter une jupe à Cosette, elle ne se fait pas arracher deux dents. Fantine bénéficie également au début de la série d’un statut un peu plus enviable que dans le roman. La jeune femme sait notamment lire et écrire, alors qu’elle doit passer par un écrivain public chez Victor Hugo. De même, son enfance misérable n’est jamais mentionnée. L’adaptation du studio japonais reste toutefois assez explicite sur sa déchéance et sa mort n’est pas non plus occultée.
Ce n’est pas le cas pour les morts de Gavroche et Javert. Alors que Victor Hugo leur réserve des disparitions tragiques, bien que mémorables, Nippon Animation fait le choix, plutôt surprenant, de les faire survivre tous les deux. Si Gavroche est effectivement fauché par les balles militaires durant l’épisode de la barricade, il se fait ensuite secourir par Cosette. À ce sujet, l’anime imagine une relation amicale voire fraternelle entre les deux enfants, et ce très tôt puisqu’elle débute dès la petite enfance de Gavroche. Dans le roman, cette relation n’existe pas et Victor Hugo n’évoque jamais si Cosette se souvient de Gavroche ou ait même pu le connaître. La chronologie des évènements, qui fait naître Gavroche deux ou trois ans avant que Cosette ne soit emmenée par Jean Valjean, laisse cependant envisager qu’elle doit au moins connaître l’existence d’un fils Thénardier. Nippon Animation a sans doute voulu profiter de ce point laissé en suspens pour développer davantage autour de l’enfance de Cosette. Ainsi, les quinze premiers épisodes s’attardent longuement sur son vécu auprès des Thénardier. S’ils ont leur lot de moments mignons et touchants, le résultat global se rapproche plutôt des épisodes d’enfance de Georgie, avec une direction narrative plus enfantine et des évènements souvent anecdotiques. Notons toutefois que les scénaristes ont su finalement utiliser avec avantage cette période ‘’Enfance’’ durant le sauvetage de Gavroche et sa convalescence. Compte tenu du jeune âge de l’adolescent, le choix des scénaristes peut ainsi se justifier, et ce indépendamment du symbolisme autour de sa mort.
Concernant Javert, la pertinence du choix d’occulter son suicide dans la Seine pose davantage question. Dans le roman, le personnage est un véritable antagoniste, l’opposé de Jean Valjean, sa Némésis. Il est décrit comme un inspecteur qui considère la Loi comme sa seule religion, Loi qu’il applique à la lettre près sans prendre en considération l’aspect humain. Son caractère froid et méticuleux, son absence de compassion et son désir obsessionnel d’arrêter Jean Valjean sont devenus légendaires, voire une source d’influence potentielle pour d’autres auteurs. On peut citer notamment l’inspecteur Runge dans Monster, qui rappelle de près un Javert moderne avec son caractère méthodique et sa volonté inébranlable d’arrêter le Dr. Tenma. Javert n’est donc pas dépeint comme un homme sympathique ou ayant le potentiel de le devenir. Et même si ses convictions finissent par être ébranlées en découvrant le véritable homme qu’est devenu Jean Valjean – un changement que l’inspecteur exprime en se mettant brusquement à vouvoyer l’ancien forçat, alors qu’il le tutoyait jusqu’alors – il ne supporte pas cette vérité et préfère mettre fin à ses jours. Si la série lui réserve une issue plus favorable, elle conserve toutefois une bonne partie de sa personnalité et ne dissimule pas ses défauts ou ses erreurs, y compris sa responsabilité dans la mort de Fantine. Son passé reste également proche de ce qu’en dit le roman, à un détail près : il n’est pas fait mention de son appartenance à la communauté rom (Victor Hugo parle, selon ses propres mots, de « race de bohèmes dont il était »), appartenance qu’il a d’ailleurs fini par rejeter. À la place, l’anime s’attarde sur la haine que Javert nourrit vis-à-vis de ses parents, décrits comme des condamnés récidivistes que leur fils a tenté de raisonner sans succès. De cette manière, les scénaristes expliquent pourquoi Javert ne croit pas en la rédemption de Valjean : l’inspecteur respectueux de la Loi considère que n’importe quel délinquant ou criminel le reste tout au long de sa vie et qu’il n’est pas capable de changement. Accepter qu’un ancien bagnard ait fini par retrouver le chemin de l’honnêteté lui devient insupportable, mais surtout, Javert ne sait désormais comment se positionner vis-à-vis de Jean Valjean : s’il l’arrête, il commet le crime d’arrêter un homme honnête et bienfaisant ; s’il ne l’arrête pas, il commet le crime de laisser un criminel en liberté. Chez Hugo, ce dilemme le pousse ainsi à prononcer sa propre condamnation en se jetant dans la Seine. Nippon Animation ayant reproduit plutôt fidèlement le personnage, l’on peut donc s’interroger sur cette volonté d’épargner Javert. Les scénaristes ont-ils voulu laisser une chance à ce personnage, dont le destin finalement tragique a su toucher plusieurs générations de lecteurs puis de spectateurs, ou ont-ils estimé que son suicide avait une consonance trop dramatique et négative pour le jeune public ?

En plus de ces trois principaux changements et des rajouts autour de l’enfance de Cosette, la série ajoute un personnage entièrement inédit, Alain. Il s’agit d’un jeune homme orphelin que Valjean, alors maire à Montreuil-sur-Mer, a pris sous son aile. Ce personnage apparaît ainsi essentiellement durant la première partie de la série et fera une petite réapparition durant l’épisode 49, vers la toute fin de l’histoire, où l’on apprend notamment qu’il a poursuivi l’œuvre de son bienfaiteur. Cet ajout n'est pas forcément impactant sur le déroulement de l’histoire, mais permet à la ville de ne pas plonger dans la pauvreté décrite dans le roman après le départ de "M. Madeleine". Nippon Animation est coutumier des libertés prises par rapport à l’œuvre originale, leur objectif premier étant de faire découvrir des classiques de la littérature jeunesse à travers les adaptations animées et de donner envie au jeune spectateur de se diriger vers les romans originaux. Pour autant, si l’on excepte les différences décrites plus hautes et quelques intrigues ou modifications plus secondaires, leur transposition des Misérables est dans l’ensemble assez fidèle au texte de Victor Hugo. Des passages bien connus comme les derniers instants de Fantine, la relation entre Marius et Cosette ou même la journée des barricades respectent une grande partie du texte d’origine, à tel point que le roman semble avoir servi de script durant ces épisodes. Si le cadre historique est assez peu défini, un certain effort d’expliquer de manière simple et claire les motivations des membres de l’ABC est à souligner, notamment les problèmes économiques du pays et le désir d’une démocratie parlementaire. Forcément, ces allusions restent assez dépouillées en comparaison aux indications et réflexions avancées par Victor Hugo, mais compte tenu du public visé, cet effort mérite d’être salué.

Une autre différence par rapport aux anciennes adaptations de Nippon Animation concerne la présence de la religion catholique. Dans une majorité de leurs précédentes séries, alors même que les romans originaux mettaient souvent l’accent sur les valeurs chrétiennes, leurs adaptations les remplaçaient par des valeurs plus universelles, déliées de leurs origines religieuses et donc plus accessibles au public japonais. Le christianisme était dépeint comme une sorte de décor folklorique et exotique. Les Misérables, à l’inverse, laisse davantage de place à la religion. Si elle est loin d’être omniprésente, elle est traitée avec plus de sérieux et est intégrée au récit. Cette intention peut s’expliquer par le thème principal de l’histoire, la rédemption d’un homme condamné au bagne qui retrouve, grâce à sa rencontre avec un ecclésiastique (l’évêque de Digne), le chemin vers l’honnêteté. Ainsi, les scénaristes conservent non seulement les personnages ayant un lien avec l’Église catholique, mais incorporent également des scènes de prières ou de discussions avec des prêtres, en leur donnant parfois un rôle primordial dans l’éducation de certains protagonistes (comme Cosette). La volonté des scénaristes d’accorder plus de place à la religion va même bien au-delà d’une simple représentation, puisque à deux reprises, la série mettra en scène des évènements quasi surnaturels que l’on pourrait rapprocher d’éventuelles manifestations divines : une première fois lorsque Jean Valjean manque de s’enfoncer dans la boue envahissant les égouts de Paris, une seconde fois alors que Javert tente de se jeter dans la Seine. Bien que la série ne prenne jamais explicitement position durant ces instants, elle sous-entend la possibilité d’une explication symbolique, voire mystique. Réalisée en 2007, la série bénéficie du savoir-faire acquis sur trois décennies par Nippon Animation. Le chara-design est propre, mêlant à la fois un graphisme plutôt moderne, proche des séries diffusées à la même période, et un graphisme plus rétro, en particulier les enfants, l’animation reste dans l’ensemble convenable et un soin tout particulier est accordé aux décors. Au sujet des décors, on constate tout de même quelques anachronismes qui auraient pu être facilement évitables, à l’instar de ce plan où l’on aperçoit la Flèche de Notre-Dame de Paris (pourtant ultérieure à la période durant laquelle se déroule l’histoire) ou encore une cathédrale Notre-Dame resplendissante. Un constat assez ironique lorsqu’on se rappelle que Victor Hugo avait justement écrit sa deuxième œuvre la plus connue, Notre Dame de Paris, pour sauver le monument de sa vétusté !

Si les Sekai meisaku gekijô avaient su, durant les années 70-80, trouver une place de choix dans les programmes jeunesse, leur diffusion sur les chaînes hertziennes ne semble désormais plus d’actualité. Les Misérables, pourtant tirée d’un roman français bien connu du public, n’a ainsi pas attiré l’intérêt des chaînes télévisées et encore moins des éditeurs, essentiellement concentrés sur des titres à destination d’un public adolescent-adulte. À ce jour, la série reste donc inédite en France, et même un peu partout en Europe, à l’exception de l’Italie qui l’a diffusée à la télévision dès 2010 avant que l’éditeur Yamato Video ne la propose en DVD à partir de 2014.
Un bien curieux destin pour cette œuvre écrite à Guernesey par un écrivain français, adaptée en animation par un studio japonais et disponible exclusivement en Europe grâce à un distributeur italien !

Auteur : veggie 11
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Les Misérables : Shôjo Cosette © Victor Hugo / Nippon Animation, Fuji TV
Fiche publiée le 12 octobre 2024 - Lue 535 fois